Portrait – Flora Mazarico

15 Déc 2023

Adhérente avant même que la salle ne soit ouverte, Flora, 23 ans, nous raconte le chamboulement qu’elle a vécu il y a 6 ans et la façon dont cela l’a fait grandir. Déterminée, elle a redoublé d’efforts pour arriver où elle en est aujourd’hui et elle nous partage ses engagements.

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Alors que tu étais encore adolescente, un accident de la route vient bouleverser ta vie…

Le 24 juillet 2017, je suis devenue paraplégique et, depuis ce moment, je vis en fauteuil roulant. Les conséquences ont bien sûr été plus importantes, ma santé a vraiment été mise à l’épreuve.

 

Lorsque j’étais en centre de rééducation, je me suis vraiment questionnée sur l’accompagnement que j’ai reçu : pour moi, c’était le néant. Et je me suis dit que je ne devais pas être la seule, il y avait définitivement quelque chose à creuser. Dans un premier temps, il me semblait indispensable de prendre soin de moi et de me guérir. Puis j’ai questionné les personnes autour de moi, pour savoir si elles avaient vécu la même expérience et j’ai vite compris que je n’étais pas la seule.

 

J’ai alors réalisé une formation en coaching de vie, puis j’ai créé mon auto-entreprise Inspiravie qui comprend plusieurs piliers : accompagner, collaborer et sensibiliser.

Cette formation de coaching de vie est peu connue, qu’est ce qu’elle t’a apporté ?

La formation de coaching a été utile pour moi avant tout, car même si j’ai pris le temps de me remettre de mon accident, il restera des séquelles à vie. Aujourd’hui, ce qui me plait le plus, c’est d’accompagner avec la légitimité du vécu. On appelle cela la pair-aidance, qui n’est pas encore conventionnée en France. Je le réalise avec des personnes blessés médullaires, qui vivent un bousculement de vie : de valide à situation de handicap. Avoir une personne référente qui accompagne sur tous les sujets, c’est porteur et cela aide à accepter plus rapidement et positiver sur la situation.

 

Aujourd’hui, j’ai une belle vie et j’aimerais inspirer les personnes qui sont en train de se reconstruire pour qu’ils aient aussi une belle vie.

Tu as découvert l’association ANTS dès ses débuts, en pratiquant l’électrostimulation dans la salle…

J’ai connu ANTS grâce à la société Allyane, j’ai fait la visite de la salle avec Nicolas, avant que celle-ci soit ouverte. L’innovation qui m’a motivé à venir à la salle était l’électrostimulation par le fait de pouvoir retrouver du mouvement dans mes jambes et de progresser sur la récupération. La musculation ne m’intéressait pas, je me suis inscrite pour travailler mes membres inférieurs. J’ai plus tard découvert le rameur, avec l’aide de l’enseignant en APA au début puis en autonomie. Enfin, mes séances se sont complétées avec des exercices d’abdominaux pour avoir un meilleur tonus lorsque je me mets debout.
 
En plus des séances à la salle, tous les efforts réalisés avec Allyane, ma kinésithérapeute, mes séjours de rééducation en Suisse ou mon travail d’imagerie mentale, m’ont permis de pouvoir me remettre debout.

Après être adhérente, tu es devenue partenaire de l’association…

Après plusieurs échanges avec les enseignants en APA de la salle, je me suis rendu compte qu’il manquait un espace d’échange pour les adhérents, en dehors des séances de sport. C’est comme cela qu’est né le projet de groupe de paroles pour renforcer le pilier social de l’association. L’objectif est simple : créer un lieu d’expression convivial autour de thèmes variés, allant de psychologiques à techniques. Des questionnaires ont pu être passés aux adhérents pour évaluer leurs besoins puis le premier groupe a eu lieu en mai 2022.

 

Ce projet m’a permis d’enrichir mes connaissances et mes compétences pour accompagner des personnes avec tout type de handicap moteur, tout en gardant ma sensibilité et mon expertise pour les blessés médullaires. Cette expérience m’a permis de sortir de ma zone de confort, elle m’a poussé à m’adapter à toute sorte de handicap mais également à m’ouvrir à certaines choses que je ne connaissais pas. Chaque groupe me challenge car je dois essayer de répondre à tous les besoins exprimés par des personnes avec des pathologies différentes. J’ai accompagné des personnes qui m’ont énormément touché, j’ai dû apprendre et comprendre leur quotidien pour essayer de trouver des solutions à leurs difficultés.

Tu ne t’arrêtes pas à un seul projet et tu fais de ton expérience un réel outil d’accompagnement…

Je suis adhérente et bénévole à la Métropole aidante de Lyon qui accompagne les aidants sur plusieurs plans où je propose mes services d’accompagnement. Je suis très engagée auprès des aidants car mes proches l’ont été pour moi. J’ai vu que c’était très dur pour eux. Le début a été très violent et ils ont été submergés par l’émotion, la mise en action et toute la gestion du quotidien. L’accompagnement des aidants est indispensable : comment un aidant peut-il bien accompagner s’il ne se sent pas bien lui-même ?

 

Je suis également patient-partenaire depuis juillet 2023, aux HCL dans le groupe “blessés médullaires”. Mon objectif est d’accompagner ces personnes pendant leur rééducation et les préparer aux difficultés qu’ils vont rencontrer. Mon intervention est différente de celle proposée par les professionnels de santé, j’ai un regard d’usager car je suis passée par là et je sais ce que va vivre la personne.

 

A plus long terme, je suis en train d’écrire mon autobiographie avec mon papa, pour avoir le regard à la fois de l’aidant mais aussi de l’aidé. On se rend compte que nous n’avons pas du tout vécu les choses de la même façon, que nous n’avons pas le même avis. Ce livre permet également de comprendre le bousculement vécu par un père qui ne voit pas sa fille grandir comme les autres. Je découvre également que j’ai plus appris psychiquement à mon père qu’il ne m’a appris. C’est un livre qui va être magnifique et j’espère qu’il pourra aider les personnes qui se reconnaîtront à travers mon histoire, et donner les clefs aux personnes pour vivre au mieux cette belle vie.

Pour finir, comment fais-tu pour affiner ton accompagnement ?

Cette année, j’ai repris mes études, je réalise un diplôme universitaire en droit et inclusion des personnes en situation de handicap. C’est pour moi un “bagage” et une légitimité supplémentaire pour pouvoir accompagner au mieux en tant que patient-partenaire. C’est indispensable qu’une personne en situation de handicap connaisse ses droits pour vivre pleinement son quotidien.

« L’errance médicale lorsqu’on sort de rééducation est encore trop importante, et je souhaite concrètement remédier à cela ! »