© Inria / Photo H. Raguet

Portrait – Christine Azevedo-Coste

13 Mar 2021

Cherchez sur internet : son nom est associé au handicap moteur et à de nombreux projets, équipes de recherche, start up.

Christine Azevedo, 46 ans, est ingénieure, docteure en robotique, directrice de recherche Inria. Son équipe, Freewheels, à participé au premier Cybathlon.

?

Tu es ingénieure de formation, pas médecin ou kiné, et pourtant tu t’occupes de handicap ?

J’ai toujours eu une attirance pour la médecine. Passionnée de science et de technologie, j’ai hésité entre les voies de la médecine et de l’ingénierie. J’ai suivi un master en automatique et robotique à l’INP de Grenoble, et j’ai continué avec une thèse en robotique humanoïde.

En fin de thèse, avant un post-doc en neurosciences à Marseille puis au Danemark, j’ai rencontré David Guiraud qui montait une équipe de recherche au sein d’INRIA sur la thématique des neuroprothèses. C’est là que j’ai eu la révélation : la robotique, qui me passionne, je pouvais l’appliquer à des problématiques de santé. Utiliser les avancées scientifiques et techniques pour assister les mouvements de personnes en situation de handicap fait sens pour moi.

 

 

L’équipe de recherche CAMIN que je dirige a plusieurs projets, principalement autour de l’électrostimulation fonctionnelle. Nous travaillons sur le développement de neuroprothèses : on s’interface avec le système nerveux pour activer les organes moteurs des membres paralysés. Par exemple, le projet AGILIS soutenu par EIT Health. Notre but, au sein d’AGILIS, est la restauration des mouvements de préhension chez les personnes ayant une tétraplégie en utilisant des électrodes de stimulation placées directement sur les nerfs : Reprendre la main

 

Après une lésion de la moelle épinière, grâce à la stimulation électrique fonctionnelle (FES en anglais) les personnes se réapproprient une partie de leur corps. Il faut redonner une place à ces membres paralysés, pour améliorer l’estime de soi et la qualité de vie, en plus des bienfaits physiologiques.

 

Nos projets impliquent généralement des participants porteurs de handicap, des cliniciens (chirurgiens, médecins MPR, kinésithérapeutes, ergothérapeutes), des industriels, des chercheurs et ingénieurs. Ensemble nous tentons de faire progresser le domaine.

Comment as-tu connu ANTS ?

Par Vance, rencontré au premier Cybathlon en juin 2016. Nous étions deux équipes concurrentes et avons depuis eu de nombreuses occasions d’échanger et partager.
En 2020 nous étions inscrits au Cybathlon et toute l’équipe Freewheels s’y est préparée pendant un an mais le confinement a rendu impossible la participation de notre pilote qui vit en région parisienne et n’a pas pu se déplacer en Occitanie le jour de la compétition. Mais on recommencera !

Pourquoi, vous les chercheurs, vous vous intéressez au Cybathlon, qui, à proprement parler, n’est pas vraiment de la recherche ?

L’idée, est d’arriver à créer des ponts entre cliniciens, scientifiques, industriels et personnes porteuses de handicap. Si une super équipe met au point un produit très complexe, il ne sera pas accessible au plus grand nombre (pour des raisons économiques ou pratiques), c’est dommage; même s’il faut que ce type de recherche continue, des solutions intermédiaires plus simples et abordables sont nécessaires.

 

La recherche appliquée s’adresse à de vraies problématiques cliniques et nos résultats doivent réellement participer à améliorer la qualité de vie, l’autonomie, l’estime de soi des personnes en situation de handicap. Aujourd’hui, beaucoup d’avancées scientifiques ou techniques ne sont pas réalistes à court terme. Il faut trouver le moyen de simplifier un peu les cadres théoriques et les solutions techniques, pour que les gens qui en ont besoin puissent en bénéficier rapidement et pas dans 20 ans. Cela implique que les expertises, compétences et connaissances soient croisées et mises au service des futurs usagers.

 

Le Cybathlon est un cas concret d’application qui nécessite de trouver des compromis entre solutions scientifiques avancées et utilisation pratique dans des conditions contraignantes. Cela permet par ailleurs au grand public de découvrir les technologies d’assistance, les avancées et les limites actuelles.

L’innovation et le souci d’aider les autres c’est dans l’ADN familial semble-t-il. Un de tes fils t’accompagnait au premier Lyon Cyber Bike et, très à l’aise, testait les trikes

Depuis des années je fais de la médiation scientifique autour des sciences du numérique, j’ai commencé dans l’école de mes trois enfants, et puis dans d’autres établissements scolaires. C’est aussi l’occasion de parler des aides techniques au handicap et de promouvoir la place des femmes dans les disciplines scientifiques.

 

Ma fille Aglaé (8 ans et demi) a participé cette année avec toute sa classe au concours « Innovation, santé de l’enfant » organisé par la Fondation Saint Pierre, dans la catégorie « idée » et c’est leur projet ShoeShoe qui a été lauréat en décembre dernier. Une idée simple : pour améliorer l’accueil d’enfants porteurs d’handicap visuel dans les écoles, et puisque tous les enfants ont des chaussures, équipons les enfants aveugles ou très malvoyants de chaussures instrumentées qui leur permettront de savoir exactement où ils se trouvent, éviter les obstacles etc…

Pour finir peux-tu nous parler d’une activité récente ?

Nous venons de mettre en place une action exploratoire autour d’une démarche d’innovation frugale au niveau de l’INRIA et en collaboration avec le réseau des humanlab afin de répondre à des besoins individuels exprimés par des personnes porteuse d’un handicap : En savoir plus

« Avec mon équipe nous nous efforçons de mettre  la recherche scientifique et les avancées technologiques au service des personnes en situation de handicap, en plaçant leurs besoins au cœur des développements »